Les difficultés des migrants en Afrique du sud

Publié le 13.05.2015| Mis à jour le 08.12.2021

Suite aux émeutes xénophobes en Afrique du Sud, Marc Gbaffou, Président d’African Diaspora Forum, partenaire du CCFD-Terre solidaire, revient sur les conditions de vie des migrants en Afrique du Sud. Il dénonce la faiblesse des réactions politiques face aux violences récurrentes dont sont victimes les migrants.


En 1994, l’Afrique du Sud s’est ouverte au reste du monde après 47 ans d’apartheid. Pour les pays de la sous-région du sud mais aussi pour tout le continent africain, ce pays qui a longtemps combattu la discrimination raciale, a représenté un vrai pôle d’espoir. Il a attiré des migrants quittant leurs pays d’origine pour de multiples raisons : guerres ; instabilités politiques ; abus de droits de l’homme ; situation socio-économiques etc…

Mais une fois en Afrique du Sud, ces migrants doivent faire face à de nombreux défis d’intégration. Y compris les migrants légaux qui rencontrent d’énormes difficultés pour renouveler leur permis de séjour, comme en témoignent les longues files d’attente devant les administrations.
Sans ce papier, ils sont livrés à la police sud-africaine et finissent au centre de rétention qui est devenu une prison de migrants. En effet, malgré la loi sud-africaine qui prévoit une durée maximale de rétention de 90 jours, certains détenus peuvent y passer de 9 à 15 mois !
Sans papiers valides, les migrants ne peuvent ni chercher un travail, ni s’inscrire pour étudier, ni ouvrir un compte bancaire. Pour eux, la seule façon de survivre, est d’ouvrir un petit commerce dans les bidonvilles.
Les migrants malades doivent payer la totalité des frais d’hôpital avant d’être admis. On ne compte plus les femmes qui ont perdu leurs enfants en accouchant à la maison, faute de pouvoir avancer l’argent pour payer l’hôpital, des migrants victimes d’accidents de la circulation, décèdent, d’autres, atteints de diabète, ne sont pas traités, les jambes prises par la gangrène, ils ne survivent pas longtemps. Beaucoup de migrants meurent jeunes, faute d’accès aux soins et aux traitements.
Les migrants qui veulent étudier devront payer 3 ou 4 fois le prix d’inscription que payerait un sud-africain – des frais de scolarité très élevés, dans un système universitaire qui reste inaccessible au plus grand nombre.
Lorsqu’ils veulent déposer une plainte à la police, les migrants se voient refouler, moquer, ignorer. « Tu t’es fait violer ? Mais qu’est-ce que tu fais dans ce pays, de toutes les façons ? » ; « Tu t’es fait voler ta voiture, mais tu n’es pas venu d’Ethiopie avec une voiture, alors de quoi te plains-tu ? »

Des violences récurrentes

En mai 2008, un grand vent d’attaques xénophobes a soufflé sur l’Afrique du Sud : 62 migrants ont été tués dont certains brulés vif. C’est suite à ces émeutes que l’African Diaspora Forum a été tué.
Les auteurs de ces crimes n’ont jamais été punis. Cette impunité a encouragé les crimes contre les migrants dans la société sud-africaine. Entre 2008 et 2015, 350 migrants ont été tués, certains brûlés avec leur famille à l’intérieur de leur boutique.
En Janvier 2015, dans le township de Soweto, un garçon de 14 ans, Siphiwe Mahori, apparemment sous l’emprise d’une drogue locale, le nyaope, est allé attaquer une boutique avec son groupe. Se voyant menacé, le propriétaire a sorti une arme à feu. Le jeune a été tué. Dans les heures qui ont suivi, plus de 700 boutiques appartenant à des migrants ont été saccagées en riposte à la mort du jeune garçon. Bilan : 7 migrants tués, plusieurs blessés dont certains paralysés à vie. Des funérailles ont été organisées en l’honneur de ce jeune drogué, célébré comme un martyr.


Le déni des personnalités politiques

Les autorités sud-africaines déclarent à qui veut l’entendre que les attaques contre les migrants ne sont pas des actes xénophobes mais des actes purement criminels ; il n’y aurait pas de xénophobie en Afrique du Sud….
La Diaspora africaine d’Afrique du Sud a adressé une lettre ouverte au Président de la République, dénonçant ces attaques essentiellement dirigées vers les migrants, critiquant le fait que le gouvernement n’agissait pas pour arrêter la violence mais perdait du temps à chercher quel nom donner à ces violences.
Les attaques se sont très vite propagées dans tout le pays. Le Ministre des petites et moyennes entreprises, Lindiwe Zulu, a expliqué dans les médias que « les étrangers doivent savoir que s’ils ont été acceptés en Afrique du Sud, ils doivent en être reconnaissants, et chercher à s’adapter aux cultures locales : en particulier, partager le « secret »de leur réussite économique avec les Sud-africains, notamment dans les spaza shops, ces petits commerces informels de proximité ».
De son côté, le Ministre de l’eau et des affaires sanitaires a déclaré « dans nos bidonvilles, une boutique sur deux appartient à un étranger, nous ne pouvons admettre cette prise d’otage ». Et pour le secrétaire du parti au pouvoir, Gwede Mantashe, « les lois sur l’immigration devront être renforcées pour éviter à l’Afrique du Sud une attaque terroriste ».
Le Président de la République, n’a pas fait mention des violences dans son discours à la nation, alors que les violences étaient en cours. Il s’est contenté de préciser que les étrangers n’auront pas le droit foncier.
Pendant que la violence sévissait, la police cherchait les migrants sans papiers, et leurs marchandises illégales, comme pour donner raison aux auteurs des violences. L’ANC le parti au pouvoir appelait les étrangers à « rendre leurs armes illégales » et c’était le seul discours officiel du parti de la libération face aux violences xénophobes.
Lors d’une réunion, le Roi Zulu, Goodwill Zwelithini a déclaré « les étrangers doivent rassembler tout ce qu’ils possèdent, et quitter l’Afrique du Sud pour ne plus jamais revenir ». A la suite de cette déclaration, plusieurs attaques xénophobes ont eu lieu, menées par des groupes Zulus : le roi n’a pas retiré sa déclaration pour autant, déclarant seulement qu’il avait été cité « hors contexte ». Le Forum de la Diaspora Africaine a porté plainte contre le roi devant la Commission Sud-Africaine des Droits de l’Homme : l’affaire est en cours.
Le fils du Président, Edouard Zuma dont la mère est étrangère (Swazilandaise), a déclaré : « Je soutiens entièrement ce qu’a dit le roi, car si nous ne faisons rien, un jour ce pays va se retrouver dans les mains de ces étrangers ».

Une mobilisation internationale

La Diaspora africaine s’est engagée dans une campagne médiatique. Elle a aussi écrit à l’Union Africaine pour que la xénophobie soit inscrite à l’ordre du jour de son prochain sommet qui se tiendra en Afrique du Sud en Juin 2015.
Certains pays (Malawi, Zimbabwe, Nigeria, Mozambique etc…) ont demandé le rapatriement volontaire de leurs ressortissants. Ces pays ont aussi procédé au boycott des produits sud-africains.
Plusieurs marches ont été organisées dans les provinces du Kwazulu Natal et du Gauteng pour dénoncer les attaques.
Le Président de la République s’est enfin exprimé pour condamner les attaques et a demandé à recevoir les associations de migrants. Lors de cette réunion, il a souhaité la création d’un comité ministériel et d’un comité de représentants des migrants pour travailler avec le gouvernement. Ces deux comités sont actuellement sur pied.

Marc Gbaffou, Président d’African Diaspora Forum

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