Souveraineté et paradis fiscaux

Publié le 15.09.2011

« Le marché a encouragé des formes nouvelles de compétition entre les États (…), à travers divers moyens, au nombre desquels une fiscalité avantageuse (…), faisant peser de graves menaces (…) sur les droits fondamentaux de l’homme et sur la solidarité mise en œuvre par les formes traditionnelles de l’État social. » (Encyclique Caritas in Veritate, 25)


Les capitaux ne connaissent pratiquement plus de frontières. Les lois, en revanche, s’appliquent au territoire de l’État ou de l’Union régionale qui les a élaborées. Les entreprises et les banques internationales, qui pensent leur stratégie à l’échelle mondiale, ont donc beau jeu de localiser leurs activités de façon à réduire les coûts. Les délocalisations peuvent rechercher une main-d’œuvre bon marché, mais aussi moins d’impôts, à l’instar des entreprises qui déplacent leur siège en Suisse. Or Benoît XVI affirme qu’« il n’est pas licite de délocaliser seulement pour jouir de faveurs particulières ou, pire, pour exploiter la société locale » (Encyclique Caritas in Veritate, 40). Au niveau mondial, l’impôt sur les sociétés est passé en moyenne de 37 % en 1993 à 25 % en 2009. En proposant jusqu’à l’impôt zéro, les paradis fiscaux ne cessent d’alimenter la concurrence fiscale entre États. Ils affaiblissent leurs marges de manœuvre, certains responsables politiques expliquant qu’il ne faut pas trop taxer les riches et les entreprises pour ne pas les faire fuir.

Ce qui est légal n’est pas toujours moral
La fraude fiscale est un délit : masquer délibérément ses revenus au fisc, par exemple, est réprimé par la loi. Il est d’autres cas où la loi elle-même prévoit délibérément des dérogations au paiement de l’impôt, comme pour les dons aux associations humanitaires, le développement économique des DOM-TOM ou l’investissement dans la recherche. Entre les deux, se situe une zone grise : certains particuliers et entreprises usent et abusent de tous les interstices de la loi pour échapper à l’impôt. Parfois même, ils enfreignent la loi, mais avec une telle sophistication que le juge ne pourra pas démontrer l’illégalité de leur comportement. Notons aussi que l’usage, même légal, des paradis fiscaux revient à mêler des capitaux d’origine licite à l’argent sale des mafias qui cherchent à le blanchir. C’est ici qu’intervient l’éthique : « L’économie et la finance, en tant qu’instruments, peuvent être mal utilisées (…), ce n’est pas l’instrument qui doit être mis en cause mais l’homme, sa conscience morale et sa responsabilité personnelle et sociale » (Encyclique Caritas in Veritate, 36).

Des paradis fiscaux destinés à contourner les lois

Plus encore, les paradis fiscaux offrent la plus grande opacité et la possibilité d’y localiser l’activité de façon purement virtuelle. On compte ainsi 830 000 sociétés enregistrées aux Îles Vierges britanniques pour 25 000 habitants : on aimerait voir les salariés ! Les multinationales font transiter par les paradis fiscaux la moitié du commerce mondial, de façon à faire apparaître leurs profits dans leurs filiales les moins imposées. La démarche est encore plus aisée dans les secteurs qui tirent profit non pas des usines, peu mobiles, mais d’activités « immatérielles ». Les géants des nouvelles technologies (Google, EBay, iTunes, Microsoft…) placent ainsi une part importante de leurs bénéfices en Irlande, au Luxembourg ou aux Bermudes. Les grandes banques européennes ont, en moyenne, 25 filiales aux Îles Caïmans. Les deux tiers des investissements directs étrangers effectués en Inde et en Chine proviennent de paradis fiscaux. Ces statistiques, sur lesquelles se fondent nos dirigeants pour piloter l’économie mondiale, ne correspondent pas à l’économie réelle, mais à une géographie commode pour éviter l’impôt.

En organisant le contournement de nos lois, les paradis fiscaux défient nos démocraties. Ils vendent leur souveraineté aux banques et aux grands cabinets d’audit et de conseil, qui ajustent les lois aux besoins de leur clientèle fortunée. In fine, c’est celle-ci qui instrumentalise ces territoires au détriment de la souveraineté des autres États. Qu’il semble éloigné, l’appel de l’Église à « permettre à tous les peuples de devenir eux-mêmes les artisans de leur destin » (Encyclique Populorum Progressio, 65) !

Questions pour un partage

Dans le cadre du légal qui n’est pas forcément moral, comment mon éthique personnelle intervient-elle ?

Qu’est-ce qui me guide dans mes choix ?

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