Les négociations préparatoires de la COP21 à Bonn (juin 2015)

Publié le 04.09.2015| Mis à jour le 08.12.2021

En juin 2015, à 200 jours de la conférence Paris Climat 2015 (COP 21) qui aura lieu en décembre, les ONG françaises du Réseau Action Climat ont réaffirmé leurs priorités en vue de l’accord de Paris. Elles ont aussi des attentes précises concernant le rôle du gouvernement français pour sécuriser un accord ambitieux à Paris, et pour les négociations “intermédiaires” qui se déroulent à Bonn du 1 er au 11 juin 2015. Elles ont identifié 8 points prioritaires, dont l’un concerne plus particulièrement la sécurité alimentaire et nutritionnelle

Le Réseau Action Climat – France (RAC-F), fondé en 1996, fédère les associations impliquées dans la lutte contre les changements climatiques. Il est le représentant français du Climate Action Network International (CAN-I), réseau mondial de plus de 700 ONG dans 90 pays dont le but est d’inciter les gouvernements et les citoyens à prendre des mesures pour limiter l’impact des activités humaines sur le climat.

Les 8 points prioritaires identifiés par les ONG françaises impliquées dans les négociations françaises :

1. Réduire nos émissions de gaz à effet de serre dès maintenant, plus rapidement 2. Prendre des engagements ambitieux, équitables et comparables pour 2020-2025 3. Un cap commun et équitable pour tous les pays : zéro combustibles fossiles et 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050 4. L’agenda des VRAIES solutions 5. Mobiliser plus de financements publics 6. L’agriculture et la sécurité alimentaire et nutritionnelle 7. Faire de l’adaptation et des Pertes et dommages deux priorités 8. Placer les droits humains et l’égalité des sexes au cœur de l’accord de Paris Pour comprendre les enjeux et le rôle que peut jouer la France sur chacun de ses points, consulter la note détaillée ici : Les 8 priorités du Réseau Action Climat détaillées

Focus sur l’agriculture et la sécurité alimentaire et nutritionnelle (point 6)

Etat des lieux Dégradation des terres, destruction des récoltes, salinisation des sols et des sources d’eau douce, réduction des terres fertiles et des zones de pâturage, fréquence et intensité accrues des inondations et des sécheresses : les changements climatiques impactent très fortement l’agriculture et nuisent aux quatre piliers de la sécurité alimentaire : disponibilité, accès, stabilité et utilisation. Alors que 805 millions de personnes sont aujourd’hui victimes de la faim et que 180 millions d’enfants souffrent de sous-nutrition, les changements climatiques constituent un fardeau supplémentaire pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle des plus pauvres. Les impacts du changement climatique pèsent donc sur la sécurité alimentaire mais les mesures pour réduire les émissions peuvent aussi être une menace. Le développement des agrocarburants a ainsi eu des conséquences graves sur certaines populations en termes de droit à l’alimentation mais d’accaparement des terres et des ressources. Par ailleurs, si le secteur agricole est responsable d’environ 14 % des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, l’ensemble des facteurs qui y sont rattachés porte son impact à 22%. Transformer certaines pratiques agricoles ou capter du carbone dans les sols peut être un moyen de réduire les émissions. Il est donc important de s’assurer que l es mesures agricoles mises en place respectent les droits humains et notamment le droit à l’alimentation des plus vulnérables. Depuis la COP17 de Durban, le SBSTA s’est vu donner la mission d’engager une réflexion et des consultations sur un programme de travail dédié à l’agriculture. Malgré des visions divergentes, le SBSTA a lancé en juin 2014 les grandes lignes d’un programme de travail, dont le caractère “scientifique et technique” vise à contourner provisoirement les enjeux politiques très sensibles. Ces travaux ont pour objectif de faire un état des lieux des connaissances sur le sujet, avant d’envisager la mise en œuvre de dispositifs plus concrets, à partir de la COP22. Ils porteront, lors de la session de juin 2015, sur : – La mise au point des systèmes d’alerte précoce et des plans d’urgence concernant les phénomènes météorologiques extrêmes et leurs effets ; – L’évaluation des risques et la vulnérabilité des systèmes agricoles au regard de différents scénarios de changements climatiques aux niveaux régional, national et local. Si les thèmes proposés n’évoquent pas la sécurité alimentaire, les discussions qui auront lieu doivent pleinement prendre en compte cette problématique. Au-delà de l’agenda du SBSTA, les enjeux liés à la sécurité alimentaire et nutritionnelle et à l’agriculture sont discutés dans l’ADP. Lors des négociations de Genève, la sécurité alimentaire a fait une timide apparition dans le texte, sous forme d’options (une fois dans le préambule et deux fois dans le chapitre sur l’adaptation). L’agriculture, quant à elle, n’apparait qu’une fois dans la partie financement. Alors qu’en septembre prochain les Etats s’engageront sans doute, via l’objectif 2 des ODD, à “Mettre un terme à la faim, atteindre la sécurité alimentaire et la nutrition et promouvoir une agriculture durable”, agriculture et sécurité alimentaire risquent pourtant d’être, comme par le passé, reléguées au rôle de figurant – voire de victime – lors des négociations de Bonn !

Quels rôles pour l’accord de Paris et la présidence française de la COP21 ?

Faire des négociations climat une opportunité pour lutter contre la faim et la pauvreté – En intégrant explicitement le fait que les plus vulnérables au changement climatique sont les plus pauvres, alors que ce sont eux qui y ont le moins contribué. – En reconnaissant le besoin urgent de sécurisation des agricultures familiales et paysannes, en particulier des pays du Sud. – En intégrant la « sécurité alimentaire et nutritionnelle » dans l’accord de Paris.(préambule, objectifs généraux et chapitres sur l’adaptation et l’atténuation). L’accord de Paris ne doit pas perdre de vue l’objectif prioritaire de l’usage des terres en matière de politique climat : assurer la sécurité alimentaire. Financer les politiques d’adaptation agricole – En appuyant la mise en place de politiques publiques nationales et locales pour l’adaptation des agricultures familiales et paysannes dans les pays les moins avancés d’ici 2020. Outre le SBSTA, il est donc important de s’assurer de traiter de l’adaptation du secteur agricole dans la négociation sur les NAP. – En donnant les moyens au Fonds Vert, de significativement appuyer l’adaptation des agricultures familiales paysannes : – En prévoyant, dans sa gouvernance, que leurs organisations paysannes aient un rôle de consultation et de concertation ; en incluant la participation des femmes ; – En mobilisant des financements publics qui soient additionnels à l’aide publique internationale. Ces financements doivent notamment servir à identifier, améliorer et répliquer les savoir-faire traditionnels et les innovations en matière d’adaptation, à améliorer les prévisions et projections climatiques et à mieux évaluer les vulnérabilités, notamment les facteurs et les évolutions de la malnutrition. Garantir l’ambition des actions d’atténuation en évitant tout échappatoire – La réduction des émissions de GES en agriculture doit principalement être réalisée par les secteurs les plus émetteurs, comme l’agriculture industrielle et à vocation exportatrice (du fait de sa forte dépendance aux énergies fossiles). L’accord doit reconnaître une nette distinction dans les engagements d’atténuation entre les modèles agricoles. – Les réductions d’émissions doivent être permanentes-à travers la réduction des pesticides et engrais chimiques et changements des modèles de consommation plutôt que temporaires, via la séquestration du carbone dans le sol. – L’agriculture, et en particulier l’atténuation dans le secteur des terres, ne doit pas être mises au service d’une logique de compensa tion des émissions de GES d’autres secteurs, notamment du secteur industriel (cf. le concept de « zéro émissions NETTES»). A ce titre, le principe de non fongibilité entre les émissions du secteur industriel et du secteur des terres doit être inclus dans l’accord. La création de piliers séparés pour la comptabilisation des réductions des émissions industrielles et issues du secteur des terres permettrait de ne pas pouvoir les inter-changer et d’assurer une plus grande intégrité environnementale des règles de suivi et de comptabilisation (en fonction des capacités). Ne pas tomber dans le piège des fausses solutions L’agriculture sera un des secteurs à l’honneur dans l’agenda des solutions, et deux initiatives déjà lancées pourraient ainsi y figurer : la « climate smart agriculture » , et le 4 x 1000. – Les parties de la CCNUCC ne doivent pas reconnaitre et utiliser le terme de « climate-smart agriculture » qui n’est pas suffisamment défini. De plus, ni le concept de « climate-smart agriculture », ni son Alliance, ne doivent être inscrits à l’Agenda des solutions porté par la présidence française de la COP21, ou dans l’accord international qui sera adopté à Paris. – Toute initiative telle que le 4*1000 ayant pour objectif la séquestration de carbone dans les sols doit inclure des garanties environnementales et sociales fortes, en particulier sur le foncier compte tenu des risques d’accaparement de terres. Quel rôle pour le SBSTA sur l’agriculture? Au regard des deux sujets qui seront discutés lors des ateliers de juin, les préconisations suivantes doivent être rappelées: – L’adaptation doit être le fruit de processus participatifs, y compris dans l’évaluation de la vulnérabilité, la mise en place de systèmes d’alerte précoce et la sélection des mesures adaptatives. Seuls des processus où les communautés, et particulièrement les plus vulnérables, peuvent exprimer leurs besoins, capacités et visions seront vecteurs de changement. Les autorités locales et la recherche doivent intégrer les populations dans les processus locaux de planification du développement. – Il est essentiel de s’assurer que la vulnérabilité climatique est bien prise en compte, avec l’ensemble des autres vulnérabilités et capacités (non liées au climat). Au-delà des cultures elles-mêmes, c’est l’ensemble de la chaîne de valeur agricole (gestion des récoltes, stockage, transformation, accès aux marchés, etc.) qu’il faut considérer et qui doit faire l’objet de mesures d’adaptation: la sécurité alimentaire ne se limite pas à la seule production agricoles ! – Il est nécessaire d’investir dans la recherche sur les liens entre alerte précoce, action rapide et adaptation à base communautaire, de façon à amélio rer les modalités d’action sur l’adaptation. – Appliquer le principe de l’utilisation de la “crise comme opportunité” pour corriger les causes structurelles de vulnérabilités et d’exposition au risque dans les communautés dépendantes de l’agriculture. – Le soutien aux ménages ruraux les plus pauvres et aux femmes agricultrices doit être une priorité afin d’accroître leur résilience ; ce soutien passera par un meilleur accès à leurs droits, aux outils de production, à la terre, au crédit, aux services techniques, aux informations liées au marché, etc. – Tout au long des discussions de juin 2015, et au-delà au sein de la CCNUCC, il sera nécessaire de définir et de différencier la vulnérabilité, mais aussi le potentiel d’adaptation, des différents modèles agricoles face au changement climatique. Une présidence française exemplaire? Non à l’Alliance mondiale pour l’agriculture intelligente face au climat (GACSA) La France a rejoint l’Alliance mondiale pour l’agriculture intelligente face au climat (GACSA) et propose son inclusion dans l’Agenda des Solutions, alors-même qu’il s’agit d’une initiative extrêmement préoccupante. En effet, Le manque de définition du concept et de critères environnementaux et sociaux à respecter ne permet ainsi pas d’exclure des solutions qui portent atteinte à la santé des populations et à l’environnement. Par ailleurs, il n’existe aucun mécanisme de suivi-évaluation et de cadre de redevabilité, pour les acteurs engagés comme pour les projets qui seront valorisés comme «climate-smart », ni aucun critère social ou environnemental permettant de garantir l’intérêt de ces projets. Des entreprises comme Yara, une des entreprises principales de fertilisants, se sont jointes à cette alliance et affichent clairement sur leur site internet le fait qu’elles respectent les objectifs de la climate-smart.Dans un article publié en mars sur son site internet, le vice-Président de Yara déclare : « Je crois que c’est en 2015 et 2016 que nous pourrons passer d’un mouvement mondial à de réelles actions sur le terrain. Et les mots clés sont « climate-smart agriculture », un domaine pour lequel Yara a des produits et de l’expertise ». Le lien est fait systématiquement entre la « climate-smart agriculture » et la logique d’«intensification durable » qui mise sur l’augmentation de la productivité agricole et un usage massif des pesticides et des intrants chimiques. L’agriculture est réduite au seul enjeu de production, sans prise en compte de sa multifonctionnalité. La « climate-smart agriculture » sert ainsi d’alibi aux décideurs et aux entreprises pour ne pas s’engager dans la transformation profonde des modèles de développement agricole et des systèmes alimentaires. La GACSA passe à côté de l’objectif prioritaire de renforcement des agricultures familiales paysannes, seules à mêmes de répondre véritablement au défi climatique et alimentaire et aux objectifs de lutte contre la pauvreté.

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