La Commision pastorale pour la terre soutient aussi des communautés de pêcheurs artisans. Expulsées des îlots de Sirinhaém par le complexe agro-industriel de canne à sucre, elles sont installées dans la "favela des expulsés". ©CPT/CCFD-Terre Solidaire

La Commision pastorale pour la terre soutient aussi des communautés de pêcheurs artisans. Expulsées des îlots de Sirinhaém par le complexe agro-industriel de canne à sucre, elles sont installées dans la "favela des expulsés". ©CPT/CCFD-Terre Solidaire

Au Brésil, le père José Amaro, défenseur des sans-terres, est jeté en prison

Publié le 03.04.2018| Mis à jour le 03.02.2022

Le père José Amaro Lopes, prêtre à Anapu au Brésil, a été arrêté le 27 mars 2018 et incarcéré. Défenseur des droits des sans terres, il est accusé d’invasions illégales de terres et d’extorsion de fonds. Ces accusations sont jugées diffamatoires par ses nombreux soutiens.


Le visage est fermé mais le regard reste droit. Sur les images relayées par la chaîne de télévision Globo, le père Amaro, 50 ans, sort de chez lui, encadré par une demi douzaine de policiers en arme. Ce membre de la Commission pastorale de la terre (CPT, partenaire historique du CCFD-Terre Solidaire) était un ami proche de sœur Dorothy Stang, la religieuse américaine assassinée le 12 février 2005 par de grands propriétaires terriens.

Selon Rilmar Firmino, commissaire général de police d’Anapu, le père Amaro est soupçonné :

  • d’être à la tête d’une « association de malfaiteurs en vue d’invasions illégales de terres publiques et privées avec armes à feu »,
  • « d’extorsion de fonds auprès de propriétaires terriens »,
  • « de blanchiment d’argent »,
  • « de déforestation illégale »
  • et même de « harcèlement sexuel à l’encontre d’une propriétaire terrienne »

Sur la base de ces soupçons et « afin de récolter les preuves nécessaires », le juge d’Anapu a justifié la mise en détention préventive du prêtre.

Un infatigable défenseur des droits humains

L’événement a suscité un grand émoi chez les habitants d’Anapu et parmi les fidèles de la paroisse de Santa Luzia. Très vite, Mgr Joao Muniz Alves, l’évêque de la prélature du Xingu et Mgr Erwin Kräutler, son prédécesseur et désormais évêque émérite, ont soutenu publiquement le religieux, saluant son travail auprès des populations. « Nous manifestons notre solidarité fraternelle à cet infatigable défenseur des droits humains, de la régularisation foncière, de la réforme agraire et des paysans sans-terre », a expliqué Mgr Erwin Kräutler.

« Après avoir été la cible de menaces de mort pendant des années, poursuit le prélat, le père Amaro est aujourd’hui victime de diffamations dont l’objectif est de délégitimer son engagement auprès des plus défavorisés »

Du côté de la CPT de l’État du Para, le ton est plus virulent. « Cette arrestation est une machination ! » enrage l’une des militantes.

« Au Brésil, quand on ne tue pas les défenseurs des droits humains, on cherche à détruire leur image publique »

La Commision pastorale pour la terre soutient aussi des communautés de pêcheurs artisans. Expulsées des îlots de Sirinhaém par le complexe agro-industriel de canne à sucre, elles sont installées dans la
La Commision pastorale pour la terre soutient aussi des communautés de pêcheurs artisans. Expulsées des îlots de Sirinhaém par le complexe agro-industriel de canne à sucre, elles sont installées dans la

Une mesure qui satisfait les propriétaires fonciers

Dès les premières heures qui ont suivi l’arrestation du père Amaro, les réactions se sont multipliées. Ainsi, le Mouvement des Travailleurs sans Terres (MST), une autre organisation partenaire du CCFD-Terre Solidaire, a tout de suite dénoncé sur les réseaux sociaux « une mesure qui satisfait l’esprit des propriétaires fonciers de la région ».

Les Sœurs de Notre Dame de Namur, la communauté de sœur Dorothy Stang, ont également fait part de leur solidarité : « Nous ne pouvons pas nous taire devant cette nouvelle tentative de criminaliser les responsables qui agissent en faveur des droits du peuple ».

Lire aussi la déclaration commune du CCFD-Terre Solidaire et du Secours catholique-Caritas France.

La toute puissance des grands propriétaires

Pour bon nombre d’observateurs, le curé d’Anapu figure comme une nouvelle victime des grands propriétaires terriens de l’Amazonie brésilienne. Des « fazendeiros » qui ont la main mise sur le secteur agro-alimentaire. Ils s’opposent avec véhémence aux projets de redistribution des terres et à la démarcation des terres indigènes.

Ils s’appuient sur la toute puissante « Bancada Ruralista » (ou Front Parlementaire Agricole- PFA). Ce groupe parlementaire regroupant quelque 200 élus (sur 513) à l’Assemblée nationale est proche du président du Brésil, Michel Témer, lui-même soupçonné de corruption.

Le père Amaro a ainsi passé Pâques en prison. Les avocats de la CPT qui ont pu lui rendre visite assurent qu’il est calme. Si ses défenseurs n’ont pas encore eu accès au dossier, ils ont cependant été interpellés par l’origine des témoignages qui ont entraîné l’arrestation et l’incarcération du père Amaro.

Dans un communiqué publié le 28 mars 2018, la CPT souligne que « la juge qui instruit l’affaire a cité les dépositions d’une dizaine de grands propriétaires qui se sont présentés spontanément au commissariat pour accuser le père Amaro ».

Emprisonné avec l’assassin de Sœur Dorothy

Une demande de remise en liberté a été présentée le 28 mars. En attendant qu’elle soit examinée, les proches et amis du curé d’Anapu sont inquiets. Il est en effet incarcéré dans la prison d’Altamira où se trouve Regivaldo Pereira Galvão, l’un des commanditaires de l’assassinat de Sœur Dorothy Stang. Pendant douze ans, le père Amaro s’est démené pour que cet homme purge la peine de 30 ans de prison à laquelle il avait été condamné…

Jean-Claude Gerez

Lire aussi : Henri Burin des Roziers, grand avocat des paysans sans terre au Brésil, nous a quittés

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